- C.E.R.N.
- C.E.R.N.Le C.E.R.N. (Laboratoire européen pour la physique des particules; le sigle provient à l’origine du Conseil européen pour la recherche nucléaire), organisme international, s’attache, depuis 1954, à l’étude des particules fondamentales subnucléaires et des forces qui les unissent. Son internationalité lui permet d’atteindre plusieurs objectifs: faire progresser les connaissances, développer la collaboration entre les savants du monde entier, retenir en Europe les physiciens européens – et même y attirer des physiciens étrangers –, encourager les progrès techniques.1. La création du C.E.R.N.En 1945, l’Europe sort affaiblie et appauvrie de six années de guerre. Aucun des pays ne disposant des ressources financières nécessaires à la construction des installations coûteuses qu’exige la recherche scientifique moderne, un grand nombre de physiciens émigrent aux États-Unis, prolongeant ainsi l’exode de savants allemands et italiens qui avait commencé dans les années 1930, et entraînent avec eux le centre de gravité intellectuel de la physique des particules. C’est dans ce contexte qu’en décembre 1949, lors de la Conférence européenne de la culture de Lausanne, l’idée d’un laboratoire scientifique européen a émergé. La cinquième Conférence générale de l’U.N.E.S.C.O. (juin 1950 à Florence) adopte une résolution présentée par Isaac Isidor Rabi, lauréat du prix Nobel, demandant la création de centres de recherche régionaux en Europe. Les années suivantes, deux groupes principaux de personnalités font avancer le projet de laboratoire européen: d’abord des physiciens, tels Edoardo Amaldi et Pierre Auger (directeur de la science à l’U.N.E.S.C.O.), préoccupés de recherche pure d’avant-garde avec des moyens lourds comparables à ceux des États-Unis, ensuite des administrateurs scientifiques de haut rang qui croient à l’idée d’unité européenne et espèrent la favoriser en nourrissant un projet qui, sur les plans budgétaire aussi bien qu’intellectuel, est hors de portée d’un seul pays, voire de quelques États réunis.L’U.N.E.S.C.O., dès le mois de décembre 1951, organise une réunion de délégués officiels des gouvernements, présidée par François de Rose, et trois mois plus tard, lors d’une réunion à Genève en février 1952, des représentants de onze pays européens créent l’«organisation provisoire»: le Conseil européen pour la recherche nucléaire (C.E.R.N.); il groupe l’Allemagne, la Belgique, le Danemark, la France, la Grèce, l’Italie, la Norvège, les Pays-Bas, la Suède, la Suisse et la Yougoslavie. Le Royaume-Uni adopte alors une position d’observateur.Une convention est signée le 1er juillet 1953, puis ratifiée en septembre 1954 par le nombre nécessaire de neuf pays européens, créant le C.E.R.N. devenu Organisation européenne pour la recherche nucléaire. Dès février 1955, le C.E.R.N. compte douze États membres: république fédérale d’Allemagne, Belgique, Danemark, France, Grèce, Italie, Norvège, Pays-Bas, Royaume-Uni, Suède, Suisse, Yougoslavie. L’Autriche et l’Espagne adhèrent respectivement en 1959 et 1961; la Yougoslavie se retire en 1961, tandis que la Finlande devient membre en 1991, portant à quinze le nombre des États membres du C.E.R.N. Conformément à l’article 2 de sa convention, le C.E.R.N. a été créé pour assurer «la collaboration entre États européens pour les recherches nucléaires de caractère purement scientifique et fondamental, ainsi que pour d’autres recherches en rapport essentiel avec celles-ci. L’Organisation s’abstient de toute activité à fins militaires et les résultats de ses travaux expérimentaux et théoriques sont publiés ou, de toute autre façon, rendus généralement accessibles».2. Programme et résultats scientifiquesDe 1957 à 1983Peu après l’entrée en exploitation du synchrocyclotron de 600 MeV (mégaélectronvolt), en 1957, des physiciens du C.E.R.N. sont les premiers à observer la désintégration d’un pion en un électron et un neutrino: un important jalon de l’élaboration de la théorie des interactions faibles. Lorsqu’il est mis en service, en 1959, le synchrotron à protons (P.S.) est le premier accélérateur faisant appel à la technique de «focalisation forte» et, avec 28 GeV (gigaélectronvolt), la plus puissante machine du monde. En 1963 débutent des expériences avec des faisceaux de neutrinos, ouvrant un domaine de recherche qui devient par la suite une spécialité du programme d’expérimentation du C.E.R.N.En 1971 commencent à fonctionner les anneaux de stockage à intersections (I.S.R.), première machine au monde à produire des collisions frontales entre protons. Les I.S.R. se composent de deux anneaux, chacun d’une circonférence d’environ 1 kilomètre, dans lesquels des protons sont accélérés et amenés à se heurter, presque de front, en huit points d’intersection. Cette machine, dont le fonctionnement fut arrêté en 1984, a permis de réaliser des progrès décisifs dans le stockage de faisceaux intenses de particules. Les techniques de détection évoluent en parallèle, avec le remplacement des chambres à bulles par des détecteurs électroniques et l’amélioration des processus de déclenchement. Ces perfectionnements jouent un rôle décisif dans la détection de particules rares et dans la découverte des collisions à impulsion transverse élevée, révélant les quarks. Ils ouvrent la voie à l’expérimentation moderne mettant en jeu des collisions entre matière et antimatière.Le C.E.R.N. connaît, en 1973, une année extraordinaire grâce à la chambre à bulles Gargamelle, de construction française, placée dans un faisceau de neutrinos au synchrotron à protons (P.S.). Une de ses plus grandes découvertes de physique résulte de la constatation du fait que des neutrinos interagissent avec une autre particule sans se transformer en particules chargées. L’observation de ce comportement, connu sous le nom d’«interaction à courant neutre», a ouvert la porte à ce que certains physiciens appellent maintenant la «nouvelle physique».La même année s’achève la construction d’une chambre à bulle à hydrogène, de 3,7 m, équipée du plus grand aimant supraconducteur du monde. Durant sa carrière, qui prend fin en 1984, la grande chambre à bulles européenne (B.E.B.C.: Big European Bubble Chamber) a pris environ 6 300 000 photographies d’interactions de particules. Ces clichés étaient non seulement fort intéressants du point de vue scientifique, mais aussi particulièrement attrayants sur le plan esthétique, en raison de leur forte ressemblance avec des œuvres abstraites.La grande machine suivante du C.E.R.N., le superproton synchrotron (S.P.S.), de 7 kilomètres de circonférence, entre en service en 1976. Construit à 50 mètres sous terre, en territoires suisse et français, il est conçu comme un accélérateur à cibles fixes d’une énergie maximale de 450 GeV. Pourtant, le physicien Carlo Rubbia comprend qu’il est possible de tirer parti de la technique du «refroidissement stochastique», mise au point par Simon van der Meer, pour provoquer des collisions frontales entre des protons et des antiprotons dans un même accélérateur. Pour regrouper des quantités suffisantes d’antiprotons dans des faisceaux concentrés, Simon van der Meer conçoit l’anneau accumulateur d’antiprotons (A.A.). En 1981, le S.P.S. est converti en collisionneur proton-antiproton et, depuis cette date, il fonctionne dans les deux modes, pour des expériences avec collisions de faisceaux et avec cibles fixes. Les premières collisions entre des protons et des antiprotons, à une énergie de 270 GeV par faisceau, sont observées en juillet de la même année dans les deux zones d’expérimentation souterraines, U.A. 1 et U.A. 2. C’est dans les premiers mois de 1983 que les équipes travaillant dans ces zones découvrent les bosons W size=1梁 et le boson Z0, porteurs de la force nucléaire faible, confirmant ainsi la théorie des interactions électrofaibles qui unifie les forces faible et électromagnétique. Pour leur contribution à cette extraordinaire découverte, Carlo Rubbia et Simon van der Meer, le premier chercheur et le second ingénieur au C.E.R.N., reçoivent le prix Nobel de physique en 1984.Après 1983: le L.E.P.En 1983 commence la construction du L.E.P. (large electron-positron collidar), grand collisionneur à électrons-positons, qui s’achève six années plus tard.C’est un exemple remarquable de coopération internationale menée par l’Europe non seulement du point de vue scientifique, mais aussi sur le plan d’une gestion efficace d’un des projets d’ingénierie le plus complexe au monde.Le tunnel de presque 27 kilomètres de circonférence qui abrite le L.E.P. a une profondeur de 50 à 170 mètres. Son diamètre intérieur est de 3,8 mètres. Quatre gigantesques halls d’expérimentation ont été excavés pour abriter de grands détecteurs. La finition des installations a requis la mise en place de plus de 50 000 pièces d’équipement de toutes tailles, y compris un aimant supraconducteur, pesant plus de 7 500 tonnes. La mise en place de 5 388 aimants et de 128 cavités d’accélération a été réalisée avec une précision supérieure à un dixième de millimètre.Le L.E.P. est un instrument scientifique de haute précision permettant d’obtenir des collisions frontales de particules accélérées. De minces faisceaux d’électrons et de positons (antiparticules des électrons) de haute énergie sont injectés, puis accélérés en sens contraire dans le tunnel circulaire. Aux vitesses qui sont atteintes, juste au-dessous de celle de la lumière, les particules font 11 200 fois le tour de l’anneau chaque seconde, et leur énergie est multipliée par 100 000. Au moment où les deux faisceaux opposés se croisent, les électrons et les positons se télescopent et s’annihilent les uns et les autres. Les énergies élevées ainsi libérées deviennent disponibles pour créer des particules «nouvelles», dont l’une est le boson Z0. Pour produire ce dernier, il faut impérativement que les deux faisceaux soient accordés avec une précision extrême pour que leur énergie cumulée soit égale à la masse du Z0. Le boson Z0 a une durée de vie très courte; il se désintègre en moins de 10-23 seconde en d’autres particules plus stables. Pour étudier en détail la masse, les produits de désintégration et d’autres propriétés de cette particule, il faut en produire de grandes quantités, et c’est exactement l’exploit accompli par le L.E.P. Ainsi, le C.E.R.N. se place au premier rang de la recherche sur le Z0.Dès 1982, en réponse à un appel pour des propositions d’expériences, des spécialistes en physique des particules se sont réunis en groupes de travail pour mettre au point des sujets d’expériences à réaliser avec le L.E.P. Après des discussions très ouvertes, quatre propositions, identifiées sous les noms d’Aleph, Delphi, L3 et Opal, ont été approuvées. 1 200 physiciens et ingénieurs ont alors mobilisés leurs ressources humaines, techniques et financières.Description des quatre expériencesAleph est dirigé par Jacques Lefrançois, et les instituts collaborant à cette expérience sont situées en Grèce, en Italie, en France, au Danemark, au Royaume-Uni, en Allemagne, en Autriche, en Chine et aux États-Unis. Elle s’organise autour d’un aimant supraconducteur. À l’intérieur de son champ magnétique élevé, une chambre à fils (time projection chamber ) permet de connaître avec une extrême précision la direction et la valeur des impulsions des particules chargées. Un calorimètre à grain fin mesure l’énergie des électrons et des photons. À l’extérieur de l’aimant, un second calorimètre, plus grossier, détermine l’énergie des particules restantes. Les muons, qui ont la propriété de ne pas être facilement arrêtés par la matière, sont les seules particules qui traversent les deux calorimètres. Ils sont détectés par des chambres à fils entourant le calorimètre extérieur.Delphi, dirigé par Ugo Amaldi, comprend la participation d’instituts des Pays-Bas, de Grèce, de Belgique, de Norvège, d’Italie, du Danemark, de Pologne, d’Union soviétique, de Finlande, d’Allemagne, du Portugal, de Suède, de France, du Royaume-Uni, d’Espagne, d’Autriche et des États-Unis. Cette expérience utilise un aimant supraconducteur comprenant un cylindre de 5,2 mètres de diamètre. Pour déterminer l’énergie et la direction de particules chargées et neutres, des équipements sont installés à l’intérieur de celui-ci. Un des principaux points forts de cette expérience est sa capacité d’identifier sans ambiguïté les différents types de particules chargées produites, par exemple des protons, des mésons de charge négative et des mésons K, etc. Cela est obtenu en mesurant la distribution spatiale de la radiation de Cherenkov (rayons lumineux à basse énergie) émise par ces particules lorsqu’elles traversent les détecteurs. Certains de ces derniers sont situés à l’extérieur de l’aimant pour déterminer l’énergie des hadrons (protons, neutrons, mésons 神 et K, etc.) et des muons.L3, dirigé par Samuel Ting, lauréat du prix Nobel en 1976, est une collaboration mondiale entre instituts des États-Unis, de Chine, du Japon, d’Union soviétique, d’Inde, de Suisse, d’Allemagne, des Pays-Bas, de France, de Hongrie, d’Italie, de Suède et d’Espagne. Elle permet de mesurer avec une très grande précision les impulsions des électrons et muons (électrons lourds), d’une part, l’énergie des photons (rayons lumineux), et d’autre part, en utilisant un calorimètre de cristaux d’oxyde de bismuth de germanium (B.G.O.). Le B.G.O. est un bel exemple de coopération internationale, englobant la participation d’instituts en Union soviétique, en Europe de l’Ouest et en Chine. Un calorimètre à l’uranium, entourant le B.G.O., fournit une valeur de l’énergie des autres particules. Un système de chambres à fils de haute précision détermine les impulsions des muons. Une bobine entoure enfin l’ensemble du détecteur, créant un volume magnétique (2 700 m3) très grand (15,8 m de diamètre et 14 m de longueur). Le fer utilisé pour construire cet aimant équivaut à 8 500 tonnes, soit autant que la tour Eiffel.Opal, dirigé par Aldo Michelini, est le résultat de la coopération entre physiciens du Royaume-Uni, d’Italie, d’Allemagne, d’Israël, des États-Unis, du Canada et du Japon. Dans un volume de champ magnétique solénoïdal, le détecteur mesure la trajectoire et l’impulsion des particules chargées. Les électrons et les photons sont détectés au sein d’un réseau de 12 000 blocs de verre au plomb, qui fournit une excellente valeur de leur énergie. L’énergie des particules restantes (mésons 神 et K, protons et neutrons) est donnée par un calorimètre qui est en fait une partie intégrante de l’aimant du détecteur. Les muons sont identifiables par la capacité qu’ils ont de traverser ce calorimètre et seront détectés par des chambres à fils placés en périphérie de l’expérience.Les premiers résultats du L.E.P.Avant la mise en service du L.E.P., en juillet 1989, seules quelques centaines de bosons Z0 avaient été observées, et l’enjeu pour le L.E.P. était de démontrer sa capacité à produire de grandes quantités de cette particule naguère insaisissable. Le défi a été réalisé: le grand accélérateur a fonctionné magnifiquement, et les quatre types d’expériences du L.E.P. ont recueilli entre elles 750 000 bosons Z0 pendant la première année d’expérimentation. Les premiers Z0 y ont été produits dans la nuit du 13 août 1989. Le plus important des résultats du L.E.P. a été la confirmation, par une mesure extrêmement précise de la durée de vie de la particule Z0, qu’il n’existe pas d’autres types de neutrino dans la nature que les trois types qui sont associés à l’électron, au muon et à la particule tau. Cela implique qu’il n’existe que trois familles de particules de matière dans l’Univers.Le tunnel du L.E.P. a été conçu de telle façon que des aimants supraconducteurs puissent être installés au-dessus des aimants du L.E.P., dans la perspective d’un grand collisionneur de protons, le grand collisionneur de hadrons (L.H.C.). Celui-ci pourrait fonctionner dans la gamme d’énergies de 8 TeV (1 téraélectronvolt = 1 000 milliards d’électronvolts), soit dix fois plus que les énergies les plus élevées disponibles à ce jour dans le monde.L’ensemble des accélérateurs du C.E.R.N. s’engage dans la recherche d’un nouvel état de la matière, le «plasma quark-gluon». Des ions (c’est-à-dire des noyaux atomiques) d’oxygène et de soufre viennent s’ajouter à la liste déjà longue des particules accélérées au C.E.R.N. En effet, ils sont portés à une énergie de 6 400 GeV pour le soufre, la plus élevée jamais atteinte dans un laboratoire.À l’autre extrémité de la gamme d’énergies, la production de faisceaux intenses d’antiprotons ouvre la voie à un nouveau programme d’expérimentation prometteur: les particules issues de l’anneau à antiprotons à basse énergie (L.E.A.R.) pourraient permettre de mieux comprendre le comportement et les propriétés de l’antimatière. Leur annihilation au contact de la matière fournit un nouveau champ d’étude pour la spectroscopie des mésons et de la violation C.P. dans la désintégration du kaon neutre.3. Réussite scientifique et politiqueDepuis ses modestes débuts, le C.E.R.N. est devenu le plus grand laboratoire européen de recherche fondamentale. Ses installations scientifiques sont, dans leur genre, les plus puissantes et les plus polyvalentes du monde. Le site couvre maintenant 109 hectares en Suisse et, à la suite de son extension de l’autre côté de la frontière en 1965, plus de 450 hectares en France. En 1990, le budget annuel s’élève à 843 millions de francs suisses, répartis entre les États membres à raison de leur revenu national au coût des facteurs.Plus de 6 500 chercheurs et ingénieurs du monde entier (dont la majorité sont rémunérés par leurs universités d’origine) collaborent, avec succès, à des expériences au C.E.R.N. en tant qu’utilisateurs extérieurs. Quelque 3 200 membres du personnel du C.E.R.N. se chargent de la construction et du fonctionnement des vastes installations de recherche. Le programme scientifique du C.E.R.N. a permis non seulement de pénétrer les secrets de la matière mais aussi de déborder très largement les limites de l’E4rope. L’Organisation a signé des accords de coopération avnc l’Union soviétique et la Chine et entretient des rapports de collaboration traditionnels, moins officiels mais très solides, avec le département de l’Énergie des États-Unis et avec de nombreux instituts de recherche et universités américains, ainsi qu’avec le Brésil, le Canada, la Finlande, la Hongrie, l’Inde, Israël, le Japon et la Pologne. 180 instituts de 14 États membres et 110 de 20 États non membres participent aux programmes de recherche à vocation internationale du C.E.R.N.Le C.E.R.N. a inspiré la création d’autres organisations scientifiques internationales: la Société européenne de physique, l’Organisation européenne de biologie moléculaire (E.M.B.O.: European Molecular Biology Organization) et l’Organisation européenne pour la recherche astronomique dans l’hémisphère austral (E.S.O.: European Southern Observatory).Les besoins du C.E.R.N. en appareillage spécialisé, souvent hors normes, n’ont pas manqué de promouvoir la technologie industrielle, notamment dans les domaines de l’électronique, de l’optique, de la cryogénie, de la supraconductivité, des hautes fréquences, etc. Le C.E.R.N. non seulement ne prend pas de brevets pour protéger ses découvertes, mais s’ingénie au contraire à les faire passer dans le domaine public.4. L’avenir de la physique des particulesLa physique des particules est née dans les années 1930 et 1940 de la confluence de trois lignes de recherche: la physique nucléaire, la physique des rayons cosmiques et la théorie quantique des champs. L’apport expérimental est dû pour l’essentiel à la physique des rayons cosmiques, qui connaît son apogée de la fin de la décennie de 1920 au début des années 1950, époque à laquelle une nouvelle génération d’accélérateurs de particules de haute énergie entre en exploitation.Les accélérateurs de particules sont, au fond, devenus pour le physicien des particules élémentaires ce que le télescope est pour l’astronome et le microscope pour le biologiste: son principal instrument de recherche.En dépit des succès remportés par le C.E.R.N., un grand nombre de questions restent à résoudre. Le moteur des activités scientifiques ambitieuses du Laboratoire demeure la curiosité intellectuelle de ses utilisateurs: comprendre ce qui s’est passé durant les premières minutes de l’explosion originelle – le Big Bang – il y a 15 milliards d’années, lorsque l’Univers n’était qu’une poussière, rien d’autre qu’une incroyable concentration d’énergie. Une fraction de seconde après le Big Bang, l’Univers commence à se dilater – les symétries se brisent et l’énergie se «condense» ou «cristallise» en matière. La force fondamentale, jadis unifiée, se divise en quatre forces que nous pouvons observer aujourd’hui.Certaines nous sont familières – la force électromagnétique, par exemple, qui régit le comportement des atomes et maintient les électrons en orbite autour du noyau. Le vecteur de cette force est le photon, dépourvu de masse. La deuxième, la force faible, engendre la radioactivité. Ses vecteurs, les bosons lourds W et Z, ont été découverts au C.E.R.N. en 1983. La troisième force subatomique, la plus puissante des quatre, d’où son nom de force «forte», est véhiculée par des bosons de jauge appelés gluons qui ont été détectés en 1978 au centre allemand de recherche en physique des hautes énergies, le Deutsches Elektronen Synchrotron (Desy). Les gluons retiennent les quarks dans les neutrons et les protons et soudent le noyau. La quatrième force – la gravitation – agit sur de longues distances et maintient les planètes sur leurs orbites et nous-mêmes sur le sol. Bien que son action ait été décrite au XVIIe siècle déjà par Newton, nous ne savons pas encore comment elle opère, de même que nous ignorons tout de ses vecteurs, appelés gravitons. Et certains physiciens soutiennent qu’il pourrait bien exister une cinquième force...Selon une formule de Victor F. Weisskopf, qui fut directeur général du C.E.R.N., nos connaissances restent une île dans un océan d’ignorance. Il a été observé que les particules élémentaires – c’est-à-dire les constituants fondamentaux de la matière dont la structure interne nous échappe – se répartissent en deux groupes de six: six sortes de leptons – dont le mieux connu est l’électron – et six sortes de quarks (dont cinq seulement sont connus aujourd’hui). Elles composent toute la matière que nous connaissons ou que nous pouvons produire dans des accélérateurs, mais nous ne savons pas pourquoi elles ne sont que six ou si elles sont réellement fondamentales. Une autre question cruciale attend toujours une réponse, à savoir pour quelle raison la plupart des particules ont une masse et pourquoi ces masses sont aussi différentes. Les théoriciens postulent l’existence d’une autre particule responsable de la création de la masse, le boson de Higgs, qui est recherché au L.E.P.Selon nos connaissances actuelles, des phénomènes nouveaux, très intéressants, sont à prévoir dans la gamme d’énergies couverte par le L.E.P. L’homme, poussé par son inlassable curiosité de ses origines et des secrets de l’infiniment petit et de l’infiniment grand, poursuit sa quête, cherchant à percer les mystères de la vie et des galaxies, à comprendre les lois de la matière et des forces qui régissent l’Univers depuis ses débuts inconnus jusqu’à un avenir qui ne l’est pas moins...
Encyclopédie Universelle. 2012.